NOCTURNE PARISIEN
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A Edmond Lepellet ier
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Roule, roule t on flot indolent , morne Seine. -
Sous tes ponts qu'environne une vapeur malsaine
Bien des corps ont passé, mort s, horribles, pourris,
Dont les âmes avaient pour meurt rier Paris.
Mais tu n'en traînes pas, en tes ondes glacées,
Autant que ton aspect m'inspire de pensées !
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Le Tibre a sur ses bords des ruines qui font
Monter le voyageur vers un passé profond,
Et qui, de lierre noir et de lichen couvert es,
Apparaissent , t as gris, parmi les herbes vert es.
Le gai Guadalquivir rit aux blonds orangers
Et reflèt e, les soirs, des boléros légers.
Le Pactole a son or. Le Bosphore a sa rive
Où vient faire son kief l'odalisque lascive.
Le Rhin est un burgrave, et c'est un troubadour
Que le Lignon, et c'est un ruffian que l'Adour.
Le Nil, au bruit plaint if de ses eaux endormies,
Berce de rêves doux le sommeil des momies.
Le grand Meschascébé, fier de ses joncs sacrés,
Charrie august ement ses îlot s mordorés,
Et soudain, beau d'éclairs, de fracas et de fastes,
Splendidement s'écroule en Niagaras vastes.
L'Eurot as, où l'essaim des cygnes familiers
Mêle sa grâce blanche au vert mat des lauriers,
Sous son ciel clair que raie un vol de gypaèt e,
Rythmique et caressant, chante ainsi qu'un poète.
Enfin, Ganga, parmi les haut s palmiers t remblant s
Et les rouges padmas, marche à pas fiers et lent s,
En appareil royal, t andis qu'au loin la foule
Le long des temples va hurlant, vivante houle,
Au claquement massif des cymbales de bois,
Et qu'accroupi, filant ses notes de hautbois,
Du saut de l'antilope agile attendant l'heure,
Le tigre jaune au dos rayé s'étire et pleure.
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- Toi, Seine, t u n'as rien. Deux quais, et voilà t out ,
Deux quais crasseux, semés de l'un à l'autre bout
D'affreux bouquins moisis et d'une foule insigne
Qui fait dans l'eau des ronds et qui pêche à la ligne.
Oui, mais quand vient le soir, raréfiant enfin
Les passant s alourdis de sommeil ou de faim,
Et que le couchant met au ciel des taches rouges,
Qu'il fait bon aux rêveurs descendre de leurs bouges
Et, s'accoudant au pont de la Cité, devant
Notre-Dame, songer, coeur et cheveux au vent !
Les nuages, chassés par la brise nocturne,
Courent, cuivreux et roux, dans l'azur taciturne.
Sur la t êt e d'un roi du port ail, le soleil,
Au moment de mourir, pose un baiser vermeil.
L'hirondelle s'enfuit à l'approche de l'ombre
Et l'on voit volet er la chauve-souris sombre.
Tout bruit s'apaise autour. A peine un vague son
Dit que la ville est là qui chant e sa chanson,
Qui lèche ses t yrans et qui mord ses vict imes ;
Et c'est l'aube des vols, des amours et des crimes.
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- Puis, t out à coup, ainsi qu'un t énor effaré
Lançant dans l'air bruni son cri désespéré,
Son cri qui se lament e, et se prolonge, et crie,
Eclate en quelque coin l'orgue de Barbarie :
Il brame un de ces airs, romances ou polkas,
Qu'enfants nous tapotions sur nos harmonicas
Et qui font , lent s ou vifs, réjouissant s ou t rist es,
vibrer l'âme aux proscrit s, aux femmes, aux art ist es.
C'est écorché, c'est faux, c'est horrible, c'est dur,
Et donnerait la fièvre à Rossini, pour sûr ;
Ces rires sont t raînés, ces plaint es sont hachées ;
Sur une clef de sol impossible juchées,
Les notes ont un rhume et les do sont des la,
Mais qu'importe ! l'on pleure en entendant cela !
Mais l'esprit , t ransport é dans le pays des rêves,
Sent à ces vieux accords couler en lui des sèves ;
La pitié monte au coeur et les larmes aux yeux,
Et l'on voudrait pouvoir goûter la paix des cieux,
Et dans une harmonie étrange et fantastique
Qui t ient de la musique et t ient de la plast ique,
L'âme, les inondant de lumière et de chant,
Mêle les sons de l'orgue aux rayons du couchant !
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- Et puis l'orgue s'éloigne, et puis c'est le silence
Et la nuit t erne arrive et Vénus se balance
Sur une molle nue au fond des cieux obscurs ;
On allume les becs de gaz le long des murs.
Et l'ast re et les flambeaux font des zigzags fant asques
Dans le fleuve plus noir que le velours des masques ;
Et le cont emplat eur sur le haut garde-fou
Par l'air et par les ans rouillé comme un vieux sou
Se penche, en proie aux vents néfastes de l'abîme.
Pensée, espoir serein, ambit ion sublime,
Tout jusqu'au souvenir, tout s'envole, tout fuit,
Et l'on est seul avec Paris, l'Onde et la Nuit ! .
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- Sinist re t rinit é ! De l'ombre dures port es !
Mané-Thécel-Pharès des illusions mort es !
vous êtes toutes trois, à Goules de malheur,
Si t erribles, que l'Homme, ivre de la douleur
Que lui font en perçant sa chair vos doigts de spectre,
L'Homme, espèce d'Oreste à qui manque une Electre,
Sous la fat alit é de vot re regard creux
Ne peut rien et va droit au précipice affreux ;
Et vous êt es aussi t out es t rois si jalouses
De tuer et d'offrir au grand ver des épouses
Qu'on ne sait que choisir ent re vos t rois horreurs,
Et si l'on craindrait moins périr par les t erreurs
Des Ténèbres que sous l'Eau sourde, l'Eau profonde,
Ou dans tes bras fardés, Paris, reine du monde !
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- Et tu coules toujours, Seine, et, tout en rampant,
Tu t raînes dans Paris t on cours de vieux serpent ,
De vieux serpent boueux, emportant vers tes havres
Tes cargaisons de bois, de houille et de cadavres !
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夜巴黎
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给埃德蒙·莱佩莱蒂耶
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涌动 涌动 慵懒的波涛 令人沮丧的塞纳河
在你的桥下 缭绕着不健康的蒸汽
许多尸体已经漂浮过 死了的 可怕的 腐烂的
你的灵魂若要谋杀巴黎
请你不必拖拽着冰冷的浪涛
尽管你的容姿激发了我的沉思
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在台伯河两岸的废墟 使
旅行者爬上一个深沉的过去
那是些被黑色常春藤和地衣埋葬的人
出现在 绿茵地间的坟
性格开朗的瓜达尔基维尔河嘲笑橙色的金发女郎
并且在夜晚反射出轻盈的波莱罗舞
帕克托勒斯河有它的黄金 博斯普鲁斯海峡有它的海岸
但哪里可以让土耳其的女奴来做她的积福祷告
莱茵河是一座墓穴 似一个游吟诗人的
李格农公社 还有莽夫般的安杜尔河
尼罗河啊 你听她昏昏欲睡的水流声
伟大的密西西比河 为他神圣的冲锋而自豪
残酷地驱逐走它河面上的小岛
突然 绚丽的闪电 碎裂而隆重
壮观地崩溃成尼亚加拉瀑布
而欧洲作为那里熟悉的天鹅群
混合他的白色恩典与桂冠的隐晦绿色
在他晴朗的天空下 掠过一行秃鹫
有节奏地 温柔地 歌唱与一位诗人
最后 恒河 在微颤的棕榈树间
和红色的毯子上 迈着骄傲和缓慢的步伐
以皇家体态 而在远处的人群当中
沿着寺庙去咆哮 生活的浪涛
在木钹的巨大咔哒声中
蹲了下来 叙说着双簧管演奏者的记述
在敏捷的羚羊跳跃前等待的时刻
背上有黄色条纹的猛虎带着眼泪舒展着身躯
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-而你 塞纳河 两岸空空荡荡 徒剩两个码头
还是肮脏的 且从这一头连着另一头
自丑陋和发霉的书籍 还有一群自觉卓越非凡的人
化妆在漩涡中且持杆垂钓
是的 但是到了夜深时分 更难得一见了
路人被睡眠和饥饿压的喘不过气
夕阳则把天际染得血红
对于驻步的沉思者这是多么好的假期
依着 城市 这座桥 就在前面
我的夫人 想象 心情和头发随风飘荡
云彩被徐徐的夜风驱赶
奔跑 铜色和红色 在沉默的蔚蓝
在门户之王的头顶 那太阳
在死亡的一刻 释放朱红色的吻
随着阴影的逼近 燕子都逃走了
我们看到黑色的蝙蝠飘动着
所有的喧噪都寂静了 没有一丝声响
这个城市唱着自己的歌述说
那些他受逢迎的暴君 他遭难的受害者
这是盗窃 爱情和犯罪的曙光
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-然后 忽然间 出现一个受惊的尖叫
将他绝望的哭泣抛向棕色的天空
他的哭声哀叹生 绵长而刺耳
像粗野的管风琴在角落里轰鸣
他删减了那些浪漫与波尔卡的曲调
那些我们口琴上真嫩的童音
和使人舒缓或活泼 快乐或悲伤的声音
震撼着不法分子 妇女和艺术家们的灵魂
这声响是肤浅的 是虚伪的 是可怕的 更是痛苦的
定然会让罗西尼都发烧
这些欢笑被打断了 这些抱怨被消除了
在一个位于高处的不可能的音键上
这些音符病倒了 还有这些 哆 这些 啦
但这有什么关系 我们听到这些只会哭
但是精神 被输送到梦想的土地
感到这些古老的和弦流出他的汁液
怜悯在他的眼中上升到心灵和泪水
而我们希望能品尝到天堂的宁静
于一个奇怪而奇妙的和弦中
创作音乐和塑造艺术雕像
那灵魂 充满光明和歌声
将风琴的响声与夕阳的光线融合
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-然后 躯体消亡了 然后这里沉寂
沉闷的夜幕来临 维纳斯在那摆动着
柔和的裸体在黑暗的天际
我们沿着墙壁点燃煤气灯
而星辰与火把使幻想更曲折
在河面比天鹅绒面具还暗淡
而高护栏的恳求者
在空中和生锈的岁月像一枚老便士
’歪斜 被深渊中的禁忌之风所困扰
思想,宁静的希望,崇高的野心
一切都成回忆,一切都飞走,一切都逃散
只剩我们和巴黎 波浪和夜晚
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-罪恶的三位一体!门后的阴影!
死亡幻想的预言字符 曼内·泰塞尔·法雷斯
你们都是三个 厄运食尸鬼
如果你犯了罪 那个痛苦酗酒的人
让你鬼魂的手指刺穿他的肉体
人类 一个缺少选民的俄瑞斯忒斯国王的物种
在你空洞的外表下死亡
什么也做不了 直奔可怕的悬崖
而你也是如此嫉恨的国王
毁灭并奉上结合的伟大诗篇
我们不知道如何在你的三个恐怖间做出抉择
如果我们畏惧经过错误的少量死亡
那么黑暗就会在一潭死寂而深不见底的湖水
或者在你的怀里 巴黎 世界女王
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- 而你奔流不息 塞纳河 而且 所有的斜坡
似拖着一条老蛇的曲线把你困在巴黎
这条浑身泥泞的老蛇 占据了你的避风港
你们运来的木材 煤炭还有尸体
安居之 译